Projet de loi C-51 (Loi anti-terroriste), surveillance et vie privée

Auteure: Catherine Paquin-Veillette, Étudiante au cours de DRT6929E

Le premier ministre Stephen Harper déclarait ce qui suit au sujet du dépôt à la Chambre des communes du Canada de son nouveau Projet de loi C-51 :

Nous croyons que ce que nous faisons aujourd’hui […] nous rendra plus en sécurité […] Mais je ne suis pas certain que nous soyons plus en sécurité. Nous sommes dans un monde qui devient de plus en plus dangereux. […] Et parce que nous sommes moins en sécurité, nous devons prendre ces mesures tant ici qu’à l’étranger.

Au lendemain des attentats d’Ottawa et de Saint-Jean-sur-le-richelieu, M. Harper avait promis de donner de nouveaux outils aux forces de l’ordre afin de lutter contre le terrorisme. La nouvelle loi proposée par le gouvernement fédéral est assez ambitieuse. Elle suggère en effet plusieurs amendements législatifs visant à accroître les pouvoirs des agences de sécurité, notamment en octroyant au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) des pouvoirs d’intervention pour perturber des actes terroristes avant qu’ils ne surviennent, en leur permettant par exemple: «[…][de] contrer les projets de voyage de présumés extrémistes, [d’] interrompre des transactions bancaires et [d’] intervenir secrètement sur des sites web radicaux.»

Cet élargissement important des pouvoirs des forces de l’ordre, octroyé au nom de la protection de la sécurité nationale pose-t-il de réels enjeux pour la protection de la vie privée des canadiens et des canadiennes?

En vue d’exercer leurs pouvoirs, la nouvelle loi permettrait aux ministères et organismes gouvernementaux de communiquer les renseignements personnels de tout individu, même ceux n’étant pas soupçonnés d’activités terroristes, dans le but de détecter et d’identifier de nouvelles menaces à la sécurité nationale.

Le gouvernement indique que le Commissaire à la protection de la vie privée, Daniel Therrien, devra faire une vérification diligente de l’évolution du projet de loi, quoique celui-ci est déjà bien occupé avec l’adoption du projet de loi C-13 sur la cyber-intimidation qui facilite l’accès des services policiers et gouvernementaux aux renseignements personnels d’internautes, comme les adresses IP, ainsi que le projet de loi S-4, visant à simplifier l’échange de renseignements personnels entre entreprises du secteur privé.

Therrien s’est prononcé au sujet de la loi anti-terroriste dans une déclaration publiée le 30 janvier 2015:

À cette étape préliminaire, je peux dire que je suis préoccupé par la portée des nouveaux pouvoirs qui doivent être conférés par cette nouvelle loi […] Il n’est pas clair qu’il s’agirait là d’une mesure proportionnée respectant le droit à la vie privée de tous les Canadiens. Lors des discussions publiques sur le projet de loi C-51, il sera important de comprendre clairement quelles personnes verront leurs renseignements personnels communiqués aux organismes de sécurité nationale, dans quel but précis et sous quelles conditions, y compris toute mesure de protection applicable.

Therrien ajoute que la surveillance indépendante des organismes de sécurité nationale doit augmenter à mesure que les pouvoirs de ces derniers s’accroissent. Paul Dewar, porte-parole néo-démocrate en matière d’affaires étrangères, allait dans le même sens que M. Therrien : « Si vous augmentez les pouvoirs (des agences de sécurité), vous avez besoin d’une surveillance proportionnelle ».

Le projet n’en étant qu’à sa première lecture, il faudra rester à l’affut des développements à ce sujet à la Chambre des communes du Canada. Justin Trudeau, le chef du parti Libéral, s’est dit ouvert au projet tandis que M. Mulcair, chef du NPD, indiquait avoir des inquiétudes par rapport à la protection de la vie privée. Toutefois, ce dernier admet que la responsabilité de base du gouvernement est de garder les Canadiens en sécurité et que c’est sous cet angle-là qu’il compte étudier ce projet de loi.

 

This content has been updated on February 5, 2015 at 0 h 11 min.