L’étau se resserre sur les frontières américaines
Auteure: Elizabeth Bourgeois, étudiante au cours DRT-6929E-A
Les exigences en matière de sécurité frontalière pourraient s’intensifier prochainement aux États-Unis. Au lendemain de l’élection de Trump, plusieurs mesures sont considérées pour rehausser la sécurité nationale. Récemment, le gouvernement américain laisse planer un doute quant à l’introduction d’une nouvelle méthode de surveillance frontalière: l’inspection du contenu des téléphones cellulaires. Cette pratique qualifiée d’« extreme vetting » donnerait un droit de regard aux douaniers sur l’ensemble des informations contenues dans les téléphones. L’objectif : assurer la sécurité et combattre la menace terroriste. Alors qu’une telle surveillance a déjà été vue en pratique, il en demeure qu’elle est loin d’être protocolaire. La possibilité que cette mesure devienne coutume pose de nombreux risques pratiques et théoriques.
En théorie, la mesure envisagée par le gouvernement américain soumettrait les visiteurs à un contrôle accru aux frontières : mots de passe, informations financières, courriels, contacts et messages pourraient être réclamés et analysés par les douaniers. Par cette surveillance, le gouvernement américain souhaite vérifier les intentions des visiteurs et la nature de leur visite. Or, en pratique, l’entrée au pays deviendrait plutôt conditionnelle à ce qui semble être un examen des bonnes mœurs basé sur le contenu des téléphones. De plus, le gouvernement américain n’écarte pas l’idée que cet examen s’applique à tous les pays, et ce même à ceux membres du Visa Waiver Program en vertu duquel un certain contrôle est déjà effectué.
On peut se questionner sur l’efficacité d’une telle surveillance. D’abord, d’un point de vue pratique, comment effectuer de tels examens sans engorger les aéroports ? De même, un examen expéditif du contenu des téléphones permettrait-il réellement d’éviter les attaques terroristes? Selon Leon Rodriguez, l’ancien directeur du Service de la Citoyenneté et de l’Immigration des États-Unis, les véritables malfaiteurs arriveront à échapper au contrôle en se présentant avec un faux téléphone.
De plus, cette pratique intrusive n’aurait-elle pas pour effet de décourager le tourisme, notamment le tourisme d’affaires? Considérant que les courriels pourraient être passés au peigne fin, qu’adviendrait-il du secret professionnel ? L’information serait-elle stockée dans le système américain ? Si oui, combien de temps et qui y aurait accès ? En somme, le droit à la vie privée semble compromis par l’introduction de cette mesure. Face à ces inquiétudes, la position du gouvernement américain est tranchante: si les visiteurs ne veulent pas se soumettre à une telle surveillance, ils n’ont qu’à ne pas venir aux États-Unis.
Récemment, certains groupes activistes ont avancé que cette fouille contreviendrait au quatrième amendement. Cette idée trouve aussi écho auprès de certains politiciens américains travaillant actuellement sur le Protecting Data at the Border Act. Selon cet instrument, l’affaire Riley v. California de 2014 a confirmé qu’il existait une expectative de vie privée à l’égard du contenu des téléphones, laissant croire que le gouvernement américain devrait obtenir un mandat préalablement à la fouille des appareils. À cet effet, le sénateur démocrate Ron Wyden défend l’idée:
Americans’ constitutional rights shouldn’t disappear at the border. By requiring a warrant to search Americans’ devices and prohibiting unreasonable delay, this bill makes sure that border agents are focused on criminals and terrorists instead of wasting their time thumbing through innocent Americans’ personal photos and other data.
En parallèle, le Canada ne semble pas échapper à la vague d’intensification de la surveillance. Dernièrement, une enquête dévoilait la présence d’intercepteurs sophistiqués aux alentours de la colline parlementaire et à l’aéroport de Montréal. Cette technologie permettrait d’écouter les conversations téléphoniques et de lire les messages en temps réel. À l’aéroport, bon nombre d’alertes provenaient de la section des départs vers les États-Unis. À ce jour, l’identité du propriétaire des intercepteurs demeure inconnue, mais des questions subsistent. Alors que la surveillance semble désormais inévitable, n’est-il pas au moins préférable de savoir qui nous surveille ?
This content has been updated on April 10, 2017 at 20 h 39 min.