Un nouveau revers pour la vie privée des utilisateurs d’Internet américains
Auteure: Elizabeth Bourgeois, étudiante au cours DRT-6929E-A
Le 27 octobre 2016 dernier, la Federal Communications Commission (FCC) adoptait une série de règles visant à protéger la vie privée des utilisateurs d’Internet américains. L’objet de ces règles était limpide : garantir la transparence de la collecte des informations personnelles des utilisateurs de services Internet. Par ces règles, la FCC tentait d’outiller le public pour permettre des choix plus éclairés face au partage des données personnelles, chose trop souvent occulte. Le gouvernement américain vient-il de freiner cette avancée ?
Le 28 mars 2017, le Congrès américain a voté en faveur de l’abrogation des règles adoptées par la FCC en 2016. Issues de l’administration d’Obama, ces règles répondaient à des inquiétudes grandissantes en matière de collecte et de partage de données personnelles des utilisateurs Internet. Bien qu’elles n’étaient pas encore en vigueur, notons que ces règles étaient un pas encourageant dans un système qui favorise souvent la monétisation des données personnelles au détriment de la protection de la vie privée.
Concrètement, la FCC se basait sur les principes du consentement et de la sensibilité de l’information pour adopter des règles en deux temps. D’abord, en vertu de ces règles, l’information dite sensible ne pouvait être partagée ou utilisée sans le consentement exprès et préalable du consommateur, un accord de type « opt-in ». Parmi ces données, on comptait la géolocalisation, les données financières et de santé, les données sur les enfants, le numéro d’assurance sociale, l’historique de navigation et d’utilisation des applications et le contenu des communications. Pour l’information ne se qualifiant pas de sensible, on fonctionnait selon un consentement de type « opt-out ». Cela signifie que l’information pouvait être utilisée sans le consentement préalable de l’utilisateur, à moins que celui-ci ne se désiste en manifestant son désaccord.
Ceci étant dit, les règles de la FCC ne s’appliquaient qu’aux fournisseurs d’Internet et ne liaient pas les plateformes comme Facebook et Google. À cet effet, il convient de préciser que ces « compagnies web » ne sont pas règlementées par la FCC, mais bien par la Federal Trade Commission. C’est donc l’application limitée de ces règles qui a suscité la critique chez les opposants. Selon ces derniers, les règles faisaient porter le lourd fardeau de la vie privée aux fournisseurs d’Internet, alors qu’elles créaient un avantage indu pour les sites comme Facebook et Google. Conséquemment, les opposants à la règlementation affirmaient qu’elle créait un système à deux vitesses au sein duquel les sites riches en informations personnelles demeuraient libres d’utiliser et même de revendre les informations de leurs utilisateurs, à l’abri du regard normatif de la FCC.
Ainsi, le 28 mars dernier, plutôt que d’étendre la portée des règles de la FCC aux sites qui collectent des informations personnelles, le Congrès a rebuté les initiatives en matière de protection de la vie privée. D’ailleurs, cette décision inquiète certains démocrates qui sont d’avis qu’il s’agit d’un sérieux revers pour la protection de la vie privée :
Democrats and privacy advocates have argued this approach effectively hands over the customer’s personal information to the highest bidder.
“It totally wipes out privacy protections for consumers on the Internet,” Democratic Representative Anna Eshoo said on the floor. “I don’t want anyone to take my information and sell it to someone and make a ton of money off of it just because they can get their mitts on it.”
Somme toute, la littérature recense certains avantages de la collecte d’informations personnelles. Entre autres, elle peut être bénéfique pour la recherche dans le domaine de la santé et elle permet de faciliter la vie au quotidien. On se rappellera des applications mobiles qui nous permettent d’éviter le trafic en affichant la densité de la circulation en temps réel. Malgré ces bénéfices, les risques pour la vie privée affluent et un vide juridique en matière de partage et de vente d’informations personnelles est inquiétant. En effet, outre le risque que les informations personnelles des utilisateurs soient mises aux enchères, le cumul de ces informations permet de dresser un portrait détaillé du consommateur. En collectant des données comme la géolocalisation, l’historique de navigation et les achats en ligne, la publicité atteint une précision épeurante. En voyant la publicité en ligne qui nous cible, c’est à se demander si Big Brother ne nous connaît pas mieux que nous-mêmes…
This content has been updated on March 31, 2017 at 20 h 18 min.