Chine : Vers la création d’une application pour noter les citoyens ?
Auteure: Esther Mars, étudiante au cours DRT-6929E-A
Fin 2016, la série « Black Mirror » proposait l’épisode Nosedive dont le scénario relatait l’histoire d’une jeune femme désirant augmenter sa note personnelle afin d’obtenir un appartement. En effet, la jeune femme vit dans une société où les individus ont la capacité de noter les interactions qu’ils ont avec d’autres personnes via une application. Au plus votre note personnelle est élevée, au plus vous bénéficiez d’avantages. Futuriste nous direz-vous ? Détrompez-vous : la Chine envisage la création d’une application destinée à « coter » ses citoyens.
L’histoire commence en 2015 par une simple application pour smartphone appelée « Alipay Wallet », lancée par Sesame Credit, filiale d’Ali Baba – l’Amazon chinois. Un « jeu » dont le but est de gagner le plus de points possible afin de bénéficier d’avantages. Il est également possible de comparer ses points avec ceux de ses amis. Comment gagner des points ? Un algorithme s’occupe de tout. Le comportement en ligne des utilisateurs est passé au peigne fin afin de tirer des conclusions : geek ou père de famille responsable ? Ces données sont recueillies dans la base de données d’Ali Baba mais également dans celles d’entreprises participantes telles que le site de rencontre Bai-He, certains réseaux sociaux chinois, etc. Cependant, aucune information quant au mode de fonctionnement de l’algorithme en question n’a été divulguée jusqu’à présent. Bien que les citoyens chinois utilisent cette application sur base volontaire, nombreux sont ceux qui ignorent être cotés. En effet, Ali Baba possède une base de données gigantesque, alimentée en permanence grâce à l’importance du shopping en ligne en Chine, et peut facilement dresser un profil des consommateurs qui n’utilisent pas l’application.
L’histoire se poursuit à une toute autre échelle : celle de la population chinoise dans son entièreté. En effet, la Chine envisage la création d’une immense base de données chinoise de « crédit social » prévue pour 2020. Cette base de données regroupera toutes les données du gouvernement, les données fiscales ou encore certaines infractions commises, notamment des infractions de la route, afin d’établir un « ranking » des citoyens. Dans le cadre de cette base de données, le gouvernement chinois se penche sur la création possible d’une application semblable à celle de Credit Sesame qui permettrait de dresser un indicateur de fiabilité sociale pour chaque citoyen.
Bien que la possible application du gouvernement chinois ne sera pas une copie conforme de l’application commerciale d’Ali Baba, le gouvernement chinois observe attentivement cette initiative, en vue de s’inspirer notamment de l’algorithme utilisé. L’idée reste la même : gagner des points afin de monter dans le ranking de la population en étant un bon citoyen aux yeux du gouvernement. Pour les bons élèves, de nombreux avantages sont à la clé: accès facilité aux prêts, possibilité d’inscription de ses enfants dans les meilleures écoles du pays, obtention plus aisée d’un permis pour se rendre à l’étranger, etc.
Mais qu’advient-il des « mauvais » citoyens ? Les accès aux prêts, à l’emploi et autres leur seront refusés. Une punition pour ne pas rentrer dans les critères du bon citoyen. Pire encore, fréquenter des personnes bénéficiant d’un mauvais score pourrait faire baisser le vôtre, poussant ainsi les mauvais élèves à l’isolement.
Alors qu’à nos yeux une telle application semble indéniablement violer bon nombre des libertés fondamentales octroyées aux citoyens, les Chinois semblent quant à eux plutôt enthousiastes. L’idée de gagner des récompenses pour leur bon comportement amuse une majorité des citoyens chinois.
Une affaire à suivre…
This content has been updated on March 9, 2017 at 18 h 01 min.