Bracelet connecté obligatoire : quid de la vie privée ?
Auteur: Olivier Destrée, Étudiant au cours de DRT6929E
Depuis le mois de janvier 2016 l’Université Évangéliste Oral Roberts (ORU) située en Oklahoma oblige ses nouveaux étudiants à porter un bracelet connecté capteur d’activité Fitbit. Concernant les anciens étudiants, la faculté leur est laissée d’adhérer à cette méthode ou non. Cette démarche s’inscrit dans une volonté globale et caractéristique de l’université de favoriser la pratique du sport et de proposer un programme éducatif complet, à savoir tant intellectuel que corporel (un esprit sain dans un corps sain). Qui plus est, elle vise à lutter contre l’obésité qui touche plus d’un tiers des enfants de 6 à 19 ans aux États-Unis.
Concrètement, une fois synchronisé avec une application de l’université, ce bracelet permet de récolter les données des étudiants relatives au rythme cardiaque, nombre de pas, calories, sommeil etc… Le but de la démarche est ici d’analyser les données de deux premiers indicateurs de chacun afin de procéder à l’évaluation et cotation personnelle pour la matière des sports. En effet, « les étudiants doivent effectuer 10 000 pas par jour s’ils veulent avoir la totalité des points qui représentent 20% de la note finale en sport ».
S’il est tout-à-fait louable de la part de la faculté (la première au monde) de lier nouvelles technologies et exigences universitaires, le tout au profit de la santé des étudiants, certaines questions nous viennent à l’esprit en matière de traitement des données récoltées et du respect de la vie privée des étudiants participants. Qu’en est-il ?
Provost Kathaleen Reid-Martinez, porte-parole de l’ORU a récemment confirmé que les étudiants qui se connectent à l’application Fitbit signent en début d’année un document autorisant à ce qu’ils soient suivis à la trace nuit et jour et que les données soient partagées avec la direction. À l’heure actuelle, il semblerait qu’aucune plainte n’ait été déposée pour ce qui pourrait s’apparenter à une atteinte à la vie privée.
De plus, alors qu’il est obligatoire que les étudiants se munissent d’un bracelet Fitbit, l’université indique qu’il n’est pas obligatoire pour eux de choisir un modèle qui trace ou synchronise les données GPS. Qui plus est, le professeur Fritz Huber indique que les seules données collectées sont le nombre de pas et le rythme cardiaque. Aucune autre donnée personnelle n’est recueillie par la faculté qui limite son contrôle au strict nécessaire. Le professeur confirme par ailleurs que les données cessent d’être collectées à chaque fin de semestre.
Quid si les étudiants refusent ? La porte-parole assure qu’à l’heure actuelle le problème n’est pas encore produit. Elle poursuit en affirmant que s’il s’agit d’un problème physique, ils se « conformeront à la loi américaine sur les handicaps, et travailleront avec cet étudiant pour développer une procédure alternative ». Dans cette université particulièrement religieuse où les interdictions semblent légion (boire, fumer, rapport sexuel prémarital) nous comprenons l’absence de contestation de la part des étudiants.
On notera au passage que le principal obstacle soulevé reste le coût de ces bracelets intelligents. Pour l’un de ces accessoires, il faut en effet débourser pas moins de $150 minimum, ce qui semble d’ores et déjà un investissement. Toutefois vu le caractère privé de l’université, nous doutons de la difficulté des parents à payer ces « devises ».
Au final, s’il s’agit d’étudiants dans le cas présent, la question de collectes des données privées se pose pour une multitude d’entreprises qui mettent en place des programmes de santé et/ou forme afin de « réduire l’absentéisme et les frais médicaux et de rendre leurs employés plus productifs ». À titre d’exemple, la société Target a distribué gratuitement des Fitbits à ses employés américains (335 000), mais ici sans exiger qu’ils l’utilisent.
Il faudra toutefois prêter attention au traitement que l’ORU réserve aux données une fois l’année terminée. Un juste équilibre devra être mis en place entre d’une part la volonté de l’université de conserver des traces de la notation de ses élèves et d’autre part celle des étudiants qui souhaitent que ces données devenues désuètes soient détruites dans le but de garantir une protection effective de leur vie privée. De notre avis, étant donné qu’il s’agit de données relatives à la santé il serait préférable de les effacer dès la fin de l’année ou bien dans un laps de temps relativement court après celle-ci.
This content has been updated on February 16, 2016 at 13 h 56 min.