Revenge Porn en Californie: 18 ans de prison pour un opérateur de sites Web

Auteure: Isabel Poirier Étudiante au cours de DRT6929E

Le 3 avril dernier, la Procureure générale de la Californie, Kamala D. Harris, publiait un communiqué de presse annonçant la sentence de 18 ans de prison pour Kevin Bollaert, un opérateur de sites Web ayant fait l’objet de poursuite criminelle en matière de revenge porn. Les 3 et 4 avril derniers, plusieurs médias, dont NBC San Diego, Mashable et CTV News, reprenaient également la nouvelle, dans un contexte où le phénomène de revenge porn se fait, malheureusement, de plus en plus présent.

En février dernier, on apprenait, notamment via The Verge, que l’homme de 27 ans avait été reconnu coupable par la Cour Supérieure de San Diego de 21 chefs d’accusation pour vol d’identité et 6 chefs d’accusation pour extorsion. Mashable expliquait alors que Bollaert détenait deux sites Web : ugotposted.com et changemyreputation.com. Le premier contenait plus de 10 000 photos explicites de femmes accompagnées de leurs renseignements personnels, lesquelles avaient été transmises, anonymement et sans leur consentement, entre 2012 et 2013, par des hackers ou par d’anciens conjoints.

Les renseignements personnels de ces femmes n’étaient rien de moins que leur nom complet, leur localisation, leur âge ainsi qu’un lien vers leur profil Facebook. Il était donc dès lors possible d’identifier ces femmes et de les contacter, leur causant de nombreux dommages : humiliation, perte d’emploi, perte de relations personnelles, tentative de suicide. En effet, pour certaines des victimes, les conséquences ont été dramatiques : l’une d’elles victimes avait écrit à Bollaert lui demandant de retirer les photos puisque des appels étaient faits à son travail et qu’elle sentait sa vie menacée. Une seconde victime avait témoigné à l’effet que sa famille l’avait chassée de la maison.

Les femmes qui souhaitaient faire retirer les photos du site ugotposted.com étaient redirigées vers le second site Web, changemyreputation.com et devaient débourser entre 250 $ et 350 $ US pour faire retirer leur photo, selon le communiqué du 3 avril. Cette activité d’extorsion a rapporté à Bollaert une somme environnant les 30 000 $ US. À ce montant s’ajoutaient 900 $ par mois en publicité sur le site.

Notons que cette poursuite n’a pas eu lieu en vertu de la nouvelle loi anti-revenge porn adoptée le 1er octobre 2013 par l’État de la Californie (Senate Bill No.255).

En effet, The Verge précisait en février que :

California now has a law specifically targeting revenge porn, but Bollaert’s case wasn’t prosecuted under that: the revenge porn law is only a misdemeanor, and California Attorney General Kamala Harris argued that Bollaert’s actions deserved more than the one year of jail time that the law would allow.

Cette loi avait d’ailleurs été critiquée à l’époque puisque sa portée s’avère assez limitée; elle ne vise pas les cas où la photo a été prise par la victime elle-même, où c’est un tiers qui redistribue la photo ou un hacker qui l’a obtenu, où la photo n’était pas privée dans l’esprit des parties et où la personne qui la diffuse l’a mise en ligne sans intention de causer de détresse émotionnelle sérieuse.

Ainsi, le 2e paragraphe du préambule du SB 255 se lit ainsi :

This bill would provide that any person who photographs or records by any means the image of the intimate body part or parts of another identifiable person, under circumstances where the parties agree or understand that the image shall remain private, and the person subsequently distributes the image taken, with the intent to cause serious emotional distress, and the depicted person suffers serious emotional distress, is guilty of disorderly conduct and subject to that same punishment.

De plus, la peine est assez limitée: La personne fautive est passible d’une amende de 1000 $ et/ou d’une peine d’emprisonnement de 6 mois dans le cas d’une 1re offense, et d’une amende de 2000 $ et/ou peine d’emprisonnement d’un an dans le cas d’une 2e offense ou si la victime était mineure.

La Procureure générale de Californie – qui s’attaque au cybercrime directement depuis 2011 avec son unité d’enquête eCrime – déclarait dans le communiqué de presse du 3 avril: «Today’s sentence makes clear there will be severe consequences for those that profit from the exploitation of victims online.»

Elle ajoutait: «Sitting behind a computer, committing what is essentially a cowardly and criminal act, will not shield predators from the law or jail. We will continue to be vigilant and investigate and prosecute those who commit these deplorable acts.»

Ce premier cas de poursuite criminelle et d’emprisonnement aux États-Unis d’un opérateur de site Web ne sera pas le dernier puisqu’un autre opérateur a été arrêté en février 2014 et attend son procès pour extorsion en juin 2015.

This content has been updated on April 30, 2015 at 22 h 06 min.