Gérer sa vie (virtuelle) après sa vie (réelle) sur Facebook
Auteure: Isabel Poirier Étudiante au cours de DRT6929E
Le 12 février dernier, The Verge et Mashable publiaient des articles annonçant qu’à la même date, Facebook rendait dès lors disponible aux utilisateurs des États-Unis l’option de prévoir ce qu’adviendra leur compte à leur décès : supprimer automatiquement le compte ou nommer un «légataire» (ou «legacy contact») tels qu’appelés par FB pour gérer, dans une certaine limite, leur «compte de commémoration». Selon ces médias, le légataire pourra changer la photo de profil, accepter de nouveaux amis FB, et publier une nouvelle à la une du mur du défunt (pin posts to the top of the page). Il ne serait cependant pas possible au légataire de lire les messages privés du défunt, ni de faire des publications qui apparaîtront dans le fil de nouvelles FB. Il y aurait également possibilité pour un utilisateur américain, en prévision de son décès, de se prévaloir de l’option de permettre au légataire FB de télécharger des fichiers du compte contenant des photos, publications ou autre information.
Au Canada, pour le moment, un utilisateur FB ne peut prévoir auprès de FB ce qu’il adviendra de son compte à son décès. Il ne peut non plus désigner un «légataire» pour gérer son compte. En cas de décès d’un utilisateur canadien, un membre de la famille ou un ami peut signaler à FB le décès de la personne et déposer une demande pour que le compte soit supprimé ou transféré en «compte de commémoration», devenant ainsi une page «en souvenir de» que ses amis pourront utiliser pour partager des souvenirs sur le journal de commémoration. FB explique ce que sont les principales caractéristiques d’un compte de commémoration au Canada; essentiellement, il n’est pas possible de se connecter au compte et il n’est pas possible de le modifier. Le contenu partagé par la personne décédée demeure sur FB et reste visible pour les personnes avec il a été partagé, mais les groupes qui ont été créés et administrés par la personne décédée seule sont alors désactivés.
Ces mesures semblent en effet alignées avec les Principes de Facebook et avec sa Déclaration des droits et responsabilité.
Ainsi, si on se réfère au 2e principe des Principes de FB:
Chacun doit rester propriétaire de son information. Chacun doit rester libre de la partager avec qui il le souhaite et en rester maître, ce qui inclut également le retrait du Service Facebook. Chacun doit être libre de décider des destinataires de ses informations et de définir des contrôles permettant de protéger ce choix. Ces contrôles, cependant, ne peuvent pas limiter la façon dont ceux qui ont reçu l’information peuvent l’utiliser, tout particulièrement en dehors du Service Facebook.
La Déclaration des droits et responsabilités FB, quant à elle, énonce certains principes de sécurité, aux articles 3 et 4, essentiellement à l’effet qu’on ne peut demander les informations de connexion d’un utilisateur ni accéder à un compte appartenant à un autre utilisateur, qu’on ne peut communiquer notre mot de passe ni permettre à un tiers d’accéder à notre compte, ni transférer notre compte sans l’autorisation préalable et écrite de FB.
De plus, pour transformer un compte actif en compte de commémoration, FB demande qu’un proche parent ou un ami l’avise du décès de l’utilisateur en utilisant le formulaire de Demande de commémoration à cet effet en indiquant le nom du défunt, la date approximative du décès ainsi qu’une preuve optionnelle de décès. Un second formulaire de Demande spéciale pour le compte d’une personne décédée, qui semble un peu plus rigoureux, est également disponible et couvre l’ensemble des demandes pouvant être faites, soit demander la suppression de compte, demander la transformation en compte de commémoration, faire une demande spéciale ou poser une question. Il y est précisé que le demandeur doit prouver qu’il est un proche parent et à cette fin, qu’il doit télécharger un document tels le certificat de décès, le certificat de naissance du défunt ou une preuve de l’autorité du demandeur. Une demande jugée valide par FB donnera lieu au transfert du compte sous forme de compte de commémoration.
À la lecture des formulaires décrits ci-haut, on peut toutefois se demander si ces formalités – qui semblent, telles que présentées, relativement sommaires – et la procédure de vérification et de validation chez FB sont assez rigoureuses pour éviter toute erreur ou malentendu fâcheux.
Or, un compte FB étant un actif, il convient de rappeler que les règles de droit successoral continuent théoriquement de s’appliquer et qu’une planification successorale diligente pourrait inclure la question des comptes de médias sociaux. D’ailleurs, certains auteurs s’y penchent déjà, notamment Me Bertrand Salvas, notaire, qui a publié un article à ce sujet. Il y traite des actifs virtuels et de leur transmission au décès. Les principaux biens virtuels étant les comptes courriel, les sites web (dont les blogues hébergés par un tiers), les réseaux sociaux (qui contiennent beaucoup de données sur les gens, tel Facebook, Twitter, LinkedIn, etc.), et le stockage distant et infonuagique.
Il faudra donc penser à prévoir ce qu’il adviendra de nos comptes personnels et professionnels à notre décès afin d’éviter tout vol d’identité, s’assurer notamment du respect de notre vie privée, de notre image, de notre réputation, puisque, ne l’oublions pas, nos descendants auront accès à nos publications et images pour une durée indéterminée.
Comment bien survivre dans la virtualité…un sujet à suivre….
This content has been updated on February 27, 2015 at 19 h 03 min.